Bioturbation
Perturbation physique d’un milieu par les êtres vivants qui modifie l’ordonnance de ses constituants.
Dans les sols, elle remonte des fragments de la roche mère et enfouit la matière organique déposée en surface. Elle s’oppose à l’entrainement par l’eau des solutés et des particules qu’elle remonte vers le haut, vers les racines. La bioturbation mélange les composants du sol, dont la matière organique qui les colle entre eux. Elle est donc un facteur de stabilité et de fertilité des sols.
Les animaux fouisseurs ont un rôle majeur en évacuant les matériaux de leurs trous et en déposant sécrétions et fèces. Les vers de terre mélangent aussi par leur nutrition : ils prélèvent de la matière organique, du sable pour broyer celle-ci dans leur tube digestif et de l’argile pour immobiliser les toxines végétales. Leur fèces ou turricules mêlent matière organique non digérée, sable et argile ; de plus, déposés en surface, ils enfouissent les débris végétaux fraîchement tombés.
Les plantes contribuent à la bioturbation, surtout en l’absence d’animaux (sols acides des landes par exemple). Les éléments (azote, phosphore, potassium, oligoéléments…) prélevés par les racines retombent en surface du sol à la mort des parties aériennes. La racine émet des gels (lubrifiant sa croissance et retenant l’eau) et des sécrétions, notamment antimicrobiennes, qui représentent 10 à 40% de la photosynthèse : avec la matière organique des racines mortes, cela enfouit de la matière organique.
Les agents de la bioturbation engendrent la porosité : racines mortes et galeries sont autant de trous stables qui aèrent le sol et permettent l’accès de l’eau. Cette décompaction compense l’effondrement gravitaire des trous du sol.
Le labour est une bioturbation humaine remontant la fertilité et enfouissant la matière organique. S’il améliore la fertilité physico-chimique à court terme, son intensité modifie la vie du sol et donc la fertilité biologique (dont la bioturbation spontanée). Produisant une porosité instable et augmentant l’érosion du sol de 10 à 100 fois, il est délétère à long terme.
Les systèmes agroécologiques doivent favoriser une bioturbation soutenable par la vie des sols.
Références à explorer
Bouché B. 2014. Des vers de terre et des hommes. Actes Sud. 336p. ISBN : 978-2-330-02889-3
Montgomery D. R. 2007. Soil erosion and agricultural sustainability. PNAS 104 (33), pp 13268-13272
Selosse M-A. 2021. L’origine du monde. Une histoire naturelle du sol à l’attention de ceux qui le piétinent. Actes Sud. 469p. ISBN 978-2-330-15267-3